Les épaves de la Natière – 1999-2008

 

Situées en bordure immédiate du principal chenal d’accès au port de Saint-Malo, les deux roches formant le banc de la Natière constituent ce qu’il est convenu d’appeler un « piège à bateaux ». Le site, découvert en 1995 par un chasseur sous-marin, a finalement révélé deux grandes épaves miraculeusement préservées par le temps et les sédiments, désignées Natière 1 et 2. Les recherches croisées sur le terrain et dans les archives ont permis de les identifier comme deux frégates corsaires du début du XVIIIe siècle, soit la Dauphine, du port du Havre, perdue lors de son retour de campagne en 1704, et l’Aimable Grenot de Granville, naufragé en 1749 alors qu’il appareillait pour Cadix.

Les fouilles des épaves de la Natière se sont déroulées de 1999 à 2008 avec une importante équipe d’archéologues plongeurs, de chercheurs et de spécialistes sous la direction de Michel L’Hour et d’Élisabeth Veyrat, archéologues du Drassm. Le site de la Natière se trouve à moins d’un mille nautique des remparts de la ville, dans la baie de Saint-Malo, par 7 à 20 m de fond. Compte tenu de l’étendue spatiale du site de la Natière (1500 m2) et des conditions maritimes locales, il était nécessaire de bénéficier d’une plate-forme logistique adaptée pour mener à bien une telle opération archéologique en toute sécurité. C’est pourquoi l’Adramar a fait l’acquisition en 2000 d’Hermine-Bretagne, un ancien dragueur ostréicole de 18 m, pour le reconvertir en navire de recherche archéologique. Grâce à ce support, les travaux sur zone ont peu souffert des conditions climatiques médiocres fréquentes sur cette côte et seuls quelques jours par campagne ont été perdus.

Les épaves se présentent comme deux ensembles architecturaux alignés symétriquement entre les deux roches de la Natière, sur un fond de sable d’où émergent une trentaine de canons et plusieurs ancres. La topographie du talus rocheux de la Natière, alliée à la présence d’une plaine sableuse immédiatement contiguë aux roches, a garanti une telle protection au site que son potentiel archéologique est resté considérable malgré les siècles.

 

L’épave Natière 1, identifiée comme celle de La Dauphine, une grande frégate royale de 30 canons perdue à l’entrée de Saint-Malo le 11 décembre 1704, en pleine Guerre de Succession d’Espagne, a livré une collection d’objets d’une prodigieuse richesse ainsi que des données architecturales inédites. Une attention spéciale a été accordée aux éléments d’architecture navale de ce bâtiment, très bien conservés à l’avant. L’étude a permis de restituer une frégate marchande de 29 à 30 m (91 pieds) de quille portant sur terre et au port de 350 à 400 tonneaux environ. Les vestiges archéologiques correspondent à un bâtiment couché sur son flanc tribord orienté au nord-est, situé entre les deux roches de la Natière. Le bâtiment est conservé sur une longueur de plus de 35 mètres et s’étend sur une largeur dépassant 15 m au niveau du maître couple. La structure du flanc tribord du navire est cohérente et conservée depuis la carlingue jusqu’au niveau du premier pont, malgré deux lignes de fracture, le long de la quille et au bouchain. Deux pans de la muraille bâbord, disloqués par rapport au gros des vestiges, reposent plus au nord. À l’arrière, les structures architecturales se dégradent en progressant vers le sud-est, à cause du relèvement progressif du substrat granitique aux abords de la roche sud. Alors que la zone autour de l’emplanture du mat est noyée sous une gangue ferreuse générée par la présence de canons de lest et du parc à boulets, l’arrière de l’épave est caractérisé par la présence de nombreuses armes. Le contexte archéologique de Natière 1 est cohérent et très riche, malgré le renversement inévitable des objets vers le sud et dans les deux zones de fractures. La distribution du mobilier est cohérente en plan et en élévation, comme l’attestent les canons bien alignés sur le flanc sud de l’épave et plusieurs barriques qui semblent encore dans leur position d’origine. L’étude de la distribution spatiale des artefacts sur le site a permis de distinguer plusieurs espaces cohérents à l’intérieur du navire, notamment dans la moitié avant du navire, où se trouvent concentrés des objets culinaires, de la vaisselle de bord en étain, puis tout un lot de bouteilles et de flacons. Dans les soutes avant, un ensemble de grattes de calfatage chargées « en botte », un chargement de pelles à sel en bois et des dizaines de petits balais ont été retrouvés. Les outils du chirurgien constituent un autre ensemble cohérent au centre du navire. En effet, un mortier et son pilon, un clystère, plusieurs pots à pharmacie en faïence et quelques petits contenants de verre constituent les restes d’un coffre de chirurgien, dispersés suite au naufrage. Enfin, la frégate a livré plusieurs barils de bœuf salé encore alignés en fond de cale. À l’arrière, la chambre et les logements des officiers ne sont représentés que par quelques éléments épars, sans concentration évidente. Au contraire, l’armement du bord était conséquent, comme en témoigne la découverte de nombreux fusils et pistolets, trois tromblons démontés, de pierres à fusil, de cartouchières, de quelques sabres et d’une douzaine de grenades.

 

L’épave Natière 2 a été  identifiée comme l’Aimable Grenot, un corsaire de Granville de trois mâts, deux ponts, deux gaillards ayant fait naufrage à Saint-Malo en 1749 sur « les pierres Nommées les Rouvras [Ouvras] ». Des deux sites de la Natière, l’épave 2 est la plus proche du chenal, puisqu’elle s’est couchée au pied de la roche nord. Elle est apparue d’abord aux archéologues comme un amas de fer concrétionné couvert de laminaires, d’une hauteur de plus d’un mètre. L’ensemble s’est révélé être un chargement de barres de fonte de fer occupant le centre d’une épave de plus de 35 m. L’observation des vestiges architecturaux permet de restituer un navire de 300 à 400 tonneaux couché sur son flanc tribord et fracturé tout du long de sa quille du côté bâbord. Les vestiges représentent une demie section quasi complète, de la quille au nord jusqu’à proximité du plat-bord, vers le sud.  Dans la partie nord des vestiges, le fond de carène du navire, toujours « en forme », est couvert en partie par l’amas de lingots, au centre du navire, et par une épaisse couche de pierres de lest vers l’avant. Cette extrémité du navire montre une concentration de briques et de plats mêlée au lest qui correspond à la zone de cuisine. Au sud et vers l’arrière, au-delà de l’amas concrétionné, se trouvent des vestiges architecturaux aplatis et très mal conservés sous une mince couche de sable coquillé à l’évidence assez mobile. Le site est ponctué par la présence de quelque 6 ou 7 canons tombés du côté sud du site.

Les carrés fouillés montrent un contexte archéologique riche et bien préservé sous le lest de pierre. Plusieurs céramiques entières et des objets organiques fragiles ont été découverts, associés à des zones d’activités bien marquées. Par contre, c’est le scénario inverse pour la partie arrière. On y trouve peu de mobilier, toujours fragmentaire, et pas de répartition claire des objets. Si les limites du site sont atteintes à l’arrière, une grande partie du centre et de l’avant du navire n’a pas encore été investiguée, essentiellement à cause des difficultés liées au dégagement des pierres de lest couvrant cette zone. Même si l’Aimable Grenot n’a pas été fouillé entièrement, plusieurs ensembles fonctionnels ou zones d’activités ont été mis en évidence. Tout d’abord, il apparaît que le chargement de saumons de fer occupait l’essentiel du fond de la cale centrale. Le lest de pierre, situé à l’avant des lingots, recouvre aujourd’hui une partie de l’avant du site. Dans l’entrepont ou plus probablement sur le pont principal, la cuisine était placée derrière le mât de misaine. Les concentrations de briques et de contenants de cuisine à l’avant sont assez explicites à cet égard. Enfin, plusieurs articles de chirurgien apothicaire retrouvés à l’arrière du navire forment un ensemble fonctionnel cohérent, incluant un urinal, un crachoir et plusieurs pots à onguents, fioles et pots à cuire tripode, etc.

L’abondance des informations générées par l’étude en contexte de quelque mille neuf cents artefacts et des charpentes navales conservées a permis la constitution d’un fond documentaire exceptionnel sans commune mesure en Europe. Celui-ci offre des informations précieuses et inédites sur les techniques de construction navale mises en œuvre dans les chantiers privés comme sur les approvisionnements et les vivres, les échanges économiques et la vie des hommes embarqués à bord de ces frégates qui ont sillonné l’Europe maritime au début du XVIIIe siècle.

 

Film : Un Corsaire sous la mer, 2002, un film de Jérôme Julienne (52 min.), coll. Trésors engloutis, Gédéon programmes.

 

Lien : Grands sites archéologiques – Natière

Expédition La Pérouse à Vanikoro – 2003 et 2005

 

La disparition de l’expédition La Pérouse constitue l’un des grands mystères du XVIIIe siècle. Naufragées en 1788 sur les récifs de l’île de Vanikoro dans l’archipel des Santa Cruz (République des Salomons), les frégates La Boussole et l’Astrolabe commandées par Jean-François de La Pérouse n’ont pu achever la grande mission scientifique universelle commencée à Brest, trois années plus tôt, dans la lignée des voyages de Cook et de Bougainville. On devait rester près de trente ans sans nouvelle des 200 marins et des 20 scientifiques de renom qui participaient à cette expédition. Il fallut attendre près de 40 ans et la découverte en 1826 par Peter Dillon des vestiges de La Boussole et de l’Astrolabe sur l’île de Vanikoro pour que l’on commence véritablement à comprendre le destin des deux frégates. Depuis les découvertes de Dillon puis celles de Dumont D’Urville la même année, de très nombreuses missions se sont succédées à Vanikoro afin de percer le mystère La Pérouse et de découvrir le destin des équipages et de leur commandant.

En 2003, la campagne archéologique sous-marine avait pour but d’évaluer le potentiel scientifique des deux épaves et d’identifier respectivement les vestiges de La Boussole et de l’Astrolabe. Localisé par moins de 5 m de fond, le site dit de la « Fausse Passe » est couvert par des formations coralliennes et parcouru par un violent courant. Ces conditions environnementales difficiles ont conduit les précédentes expéditions à délaisser le site, au profit du gisement plus attractif de « la Faille ». La campagne 2003 avait cette fois l’ambition d’identifier avec certitude les vestiges qui y sont préservés. Au cours de l’opération, le plan général des vestiges a pu être réalisé. La découverte d’un fond de carène a permis, en outre, d’étudier l’assemblage quille / membrure / puits des pompes de cale et de réaliser in situ une précieuse étude d’architecture navale. Au nombre des découvertes, on citera également « l’inconnu de Vanikoro », un squelette presque complet d’un européen, âgé sans doute de 35 à 45 ans. Rarissime en contexte d’épave, la découverte d’un squelette humain prend ici une importance spécifique car il matérialise à lui seul la mémoire de l’ensemble des scientifiques et des marins français disparus lors du naufrage.

En 2005, une mission conjointe DRASSM-Adramar en support aux opérations de l’Association Salomon de Nouvelle-Calédonie est programmée. Dirigés par le DRASSM, les travaux en mer associaient 12 archéologues du DRASSM et de l’Adramar venus de métropole pour appuyer les efforts de la trentaine de plongeurs de l’Association Salomon à l’initiative de cette aventure scientifique et humaine. La Marine Nationale, pour laquelle le mystère de la disparition des deux frégates de la Royale a une résonance particulière, a affrété pour l’opération le bâtiment de transport léger de 80 mètres Jacques Quartier, afin d’offrir à l’équipe scientifique une plate-forme logistique adaptée.

L’un des objectifs archéologiques de ce projet était de caractériser plus finement les vestiges de la Faille, afin d’identifier avec certitude la frégate s’y étant perdue. À ce titre, les très nombreux indices découverts sur les deux gisements et qui proviennent des épaves de La Boussole et de L’Astrolabe devaient être considérés collectivement avec une extrême prudence avant d’être attribués à l’une ou l’autre des deux frégates. L’essentiel du travail des fouilleurs s’est effectué sur la zone correspondant à la partie arrière de l’épave de la Faille, le gaillard d’arrière, abritant les logements et espaces de vie des officiers et des savants, étant le plus susceptible de livrer des objets porteurs d’informations propres à identifier le navire. In fine, cette orientation scientifique a porté ses fruits et un nombre conséquent d’objets en excellent état de conservation ont ainsi pu ainsi être mis au jour. Peu à peu, grâce à leur étude, un faisceau d’indices s’est constitué pour faire pencher l’identification de l’épave de la Faille comme étant celle de la Boussole : des ustensiles armoriés tout d’abord, puis la découverte d’une seconde meule à grain sur le site, alors que l’Astrolabe n’en avait qu’une, ayant abandonné la seconde lors d’une escale en Californie. C’est finalement la découverte d’un sextant signé du nom de son fabriquant, « le Sieur Mercier », qui confirmera cette hypothèse : l’instrument faisant partie de l’inventaire du matériel embarqué sur La Boussole.

Parallèlement aux fouilles des deux épaves, les archéologues et géographes de l’IRD de Nouméa menaient sur l’île des opérations de recherche du « camp des Français ». Localisé en 1999 sur l’île de Vanikoro, ce campement aurait abrité plusieurs survivants des navires de l’expédition de La Pérouse, d’après les récits oraux recueillis auprès des habitants de l’île. Les quelques vestiges archéologiques découverts en 1999 et 2000 ont confirmé qu’un nombre peu important de survivants s’étaient bien installés à terre mais le mobilier retrouvé était très fragmentaire. Les travaux de 2003 et 2005 visant à retrouver les sépultures des survivants et les traces d’une éventuelle palissade dans les alentours immédiats du camp dressent le même constat de semi-échec. L’absence de vestiges en dur pousse donc maintenant les archéologues à s’interroger sur la durée réelle de séjour des survivants. Parallèlement aux fouilles du camp des Français, l’équipe à terre a procédé à une enquête ethnolinguistique de terrain menée par Alexandre François du CNRS pour recueillir des témoignages oraux supplémentaires.

Enfin, l’équipe de l’expédition Vanikoro 2005 était complétée par un entomologiste du CIRAD,  un peintre et un écrivain de la Marine, plaçant délibérément l’opération sous le patronage des encyclopédistes du XVIIIe siècle, dont l’esprit éclairait l’expédition menée deux siècles plutôt par Mr de La Pérouse.

 

Bibliographie

– ASSOCIATION SALOMON, 2008, Le mystère Lapérouse, ou le rêve inachevé d’un roi, Édition de Conti, 400 p.

– ASSOCIATION SALOMON, 2008, Opération Lapérouse. Journal de bord à Vanikoro, Édition de Conti, 128 p.

 – BELLEC F., 2006, Les Esprits de Vanikoro : Le mystère Lapérouse, Paris, Gallimard

 – DILLON P., 1830, Voyage aux îles de la mer du Sud en 1827 et 1828 et Relation de la découverte du sort de la Pérouse, Paris, 2 vol., 361 p.

 – FERLONI J., 2005, La Pérouse : Voyage autour du monde, Paris, Éditions de Conti, Grande Bibliothèque Thalassa

 – LA PEROUSE J.-F. (de), 2005, Le voyage de La Pérouse, annoté par J.B.B. De Lesseps, Paris, Pôles d’Images

 – PENDRAY J., 2006, Sur les traces de La Pérouse. Carnets d’expédition à Vanikoro, Paris, Glénat

 – STANBURY M., GREEN J. 2004, La Perouse and the loss of the Astrolabe and the Boussole (1788), Fremantle, Australian Institute for Maritime Archaeology

 

Film :

L’incroyable aventure de Monsieur de Lapérouse, 2005, un film d’Yves Bourgeois, 208 mn, France Télévisions Distribution

 

Le Havre, Port 2000 – 9/12/2002 au 09/04/2003

 

Le Havre – Port 2000 était un projet d’extension du port du Havre sur sa frange sud visant à accroître sa capacité d’accueil pour les porte-conteneurs intercontinentaux.  De vastes travaux d’endiguement et de dragages ont donc été programmés dans l’estuaire de la Seine sur une superficie de 426 ha pour l’aménagement d’un nouveau bassin, d’un quai protégé et d’un cercle d’évitement pour les navires de grande capacité. La première phase des travaux réalisés par les aménageurs en charge de Port 2000 comprenait une prospection magnétométrique systématique des fonds marins circonscrite par l’emprise des travaux. Cette opération visait à dresser la carte de tous les déchets sous-marins susceptibles d’entraver, voire de menacer le bon déroulement des dragages. Sur les 11 000 anomalies détectées et reconnues à cette occasion, 19 ont été classées d’intérêt archéologique par les scaphandriers employés au nettoyage des fonds, le plus souvent sur la base du seul critère de la présence de bois ou de canons. En décembre 2001, le Drassm a pour la première fois été avisé, par une lettre anonyme, de la découverte non déclarée de canons anciens lors des travaux d’aménagement conduits par le Port Autonome du Havre. Les rumeurs sur des découvertes et des destructions de sites archéologiques ont persisté tout au long du premier semestre 2002. Elles ont finalement trouvé leur point d’orgue en juin 2002 lorsque l’association écologiste Robin des bois a signalé au Drassm et aux médias la destruction d’un site archéologique sur le site de Port 2000.

L’équipe de l’Adramar s’est vue confier le soin de vérifier la validité des accusations portées. L’expertise conduite par Michel L’Hour a permis de découvrir plusieurs canons en fonte de fer, remontés sans déclaration depuis plusieurs moins et restés dans les locaux du Port Autonome et de l’entreprise de travaux sous-marins EMCC. Dans le même temps, un amoncellement de pièces d’architecture navale déchiquetées par les dragues puis déposées à l’écart sur un quai désaffecté a également été étudié. Compte tenu de la nature des vestiges découverts, une campagne de prospection préventive a été prescrite. Le Drassm prit des dispositions pour la mener à bien avec les moyens techniques et humains de l’Adramar. Les délais propres à la gestion administrative de ce type de dossier ont contraint l’équipe de spécialistes en charge du chantier  à opérer sur zone du 9 décembre 2002 au 9 avril 2003, soit pendant la période la moins propice de l’année.

L’opération de prospection archéologique préventive a permis d’enregistrer et d’étudier de nombreux vestiges voués à la destruction. Cinq des 19 anomalies désignées par les scaphandriers de l’entreprise EMCC se sont finalement révélées être de véritables sites archéologiques. Sur ces 5 épaves, trois correspondent à des sites d’épaves contemporaines. Une autre, datée de la seconde moitié du XIXe siècle, a été mis en relation avec le naufrage de la Fanny, goélette perdue à l’entrée de la Seine en 1848. Trois autres anomalies correspondaient à des canons dont une pièce d’artillerie appartenant à la famille des pierriers veuglaire dit « courtaud » et datée du XVIe siècle. L’anomalie LH10, qui avait dramatiquement souffert de l’activité des dragues avant l’arrivée des archéologues et qui semblait correspondre à une épave du XVIIe s., n’a pas pu être localisée lors de l’opération.

 

Bibliographie :

HOYAU, A., L’HOUR M., 2007, Le Havre Port 2000. Prospection archéologique préventive, Domagné, ADRAMAR, 151 p.

La Jonque chinoise du Brunei – 1997/1998

 

Au cours d’une étude de sols sous-marins, le groupe pétrolier français Total releva, en mai 1997, la présence d’une anomalie topographique d’une vingtaine de mètres de longueur sur une quinzaine de mètres de largeur. Localisé à 42 kilomètres au large des côtes du Sultanat de Brunei par 63 mètres de fond, ce tumulus de 1,50 à 2 mètres de hauteur a immédiatement fait l’objet d’une reconnaissance visuelle confiée à un ROV (remote operated vehicule) : des empilements de plats de porcelaine et quelques jarres reposaient sur le site. La présence de cet amoncellement sous-marin de mobilier céramique a aussitôt été signalée aux autorités du Sultanat de Brunei qui ont sollicité la coopération du gouvernement français pour en réaliser l’expertise. Une équipe de spécialistes français a donc été réunie afin de mener à bien l’étude archéologique des importants vestiges de cette jonque chinoise apparemment intouchée depuis son naufrage.

L’opération d’expertise programmée en octobre 1997 grâce au soutien financier de la société Total a révélé que les vestiges de l’épave formaient un quadrilatère de 21 à 22 mètres de long sur 17 à 18 mètres de large et qu’elle était localisée au centre d’une dépression sous-marine en forme d’entonnoir de 185 mètres de diamètre sur 7 à 10 mètres de profondeur. Au fond de cette cuvette, l’épave reposait sur un sol de vase limoneuse extrêmement volatile de telle sorte que même un léger courant suffisait à soulever ce sédiment. Le site était en permanence baigné dans une couche de 6 à 7 mètres d’eau sale, où la visibilité n’excédait jamais plus de 20 à 30 centimètres. L’activité des sous-marins, d’un robot ou d’un plongeur accentuait naturellement ce phénomène. Ainsi, les plongeurs ont généralement travaillé à tâtons sans jamais réellement voir l’épave. Si l’on ajoute à ces conditions déjà difficiles, des critères aussi aggravants que la profondeur importante du site et la présence sur l’épave d’une faune relativement dangereuse, chacun comprendra que l’épave de Brunei ait été considérée comme un site archéologique sous-marin très dangereux malgré sa prodigieuse richesse…

Financé par le groupe Total et dirigé par Michel L’Hour (DRASSM), un vaste programme de recherche a réuni, de mai à août 1998, à Bandar Seri Begawan, capitale du sultanat, près de 170 spécialistes de diverses nationalités, répartis selon la fonction de chacun, entre une base à terre installée dans un entrepôt dit workshop et une barge offshore ancrée à la verticale de l’épave. Pour réaliser l’étude sous-marine du site, il a fallu en outre mobiliser d’importants moyens techniques, notamment des remorqueurs d’assistance, deux sous-marins de 6 tonnes, Jules et Jim, équipés de caméras Broadcast, un robot équipé de caméras, deux caissons de recompression thérapeutique et un puissant engin de levage capable de soulever des charges de 50 tonnes. Afin de garantir un haut niveau de sécurité lors des interventions hyperbares, il a en outre été décidé de privilégier pour les plongées l’usage d’un mélange gazeux de type héliox, associant 80% d’hélium à 20 % d’oxygène. Les plongeurs étaient par ailleurs équipés de casques équipés d’un système de communication fond/surface, d’éclairage et d’une caméra vidéo renvoyant les images sur un moniteur de surface. Les fouilleurs intervenaient seul et tour à tour sur le site lors de plongées planifiées selon les besoins pour 20 ou 30 minutes de travail sur le fond. Pour enregistrer les vestiges et pallier le manque de visibilité, l’installation d’un carroyage matérialisé par des châssis métalliques carrés de 3 mètres de côté a permis d’optimiser le travail des plongeurs, d’assurer un meilleur contrôle des opérations et, parfois, d’obtenir très rapidement un enregistrement précis de la localisation exacte de chaque objet dans son environnement.

Avec la mise au jour d’un des chargements asiatiques les plus importants jusqu’ici découverts en mer de Chine méridionale, la Jonque de Brunei constitue un témoignage unique de l’activité commerciale du Sultanat à la fin du 15e ou au début du 16e siècle et offre au-delà des relations d’archives, une première et remarquable opportunité de saisir dans sa véritable diversité la nature réelle des frets maritimes acheminés vers Brunei et ses populations satellites. Le chargement a au final livré 13261 numéros d’inventaire que l’on peut regrouper en cinq grandes familles de mobilier : les matières premières, le verre manufacturé ou conditionné en lingot, les objets métalliques, les vestiges organiques et les céramiques. Avec près de 11 800 pièces, la part la plus conséquente des découvertes est constituée par les céramiques d’origine thaï, chinoise et vietnamienne. Par contre, il n’a été trouvé aucun vestige d’architecture navale sur le site et, pour se faire une idée du bateau lui-même, on ne peut donc aujourd’hui compter que sur la confrontation déductive de tous les indices collectés au cours de la fouille. L’étude a permis de restituer un navire de 22 à 25 mètres de long sur 8 à 11 mètres de large au maître-couple dont la cale était subdivisée en compartiments par des cloisons, principe classique pour une jonque. Elle a de même conduit à avancer l’hypothèse que plusieurs marchands se partageaient l’affrètement de la cargaison et cette dernière, bien que composée de mobiliers d’origines géographiques très diverses, avait été chargée en un seul et même lieu.

 

Bibliographie :

L’HOUR M. (dir.), 2001, La mémoire engloutie de Brunei. Une aventure archéologique sous-marine, Editions Textuel, Paris

 

Film :

Le trésor de la jonque engloutie, 1999, film réalisé par Marc Jampolsky, collection Trésors engloutis, GCT, 52 mn

Carte archéologique – 1994/…

 

Afin d’assurer une meilleure protection des biens culturels maritimes et de mieux définir les axes prioritaires de la recherche, le DRASSM contribue à la Carte archéologique nationale. Le long des côtes françaises, il procède chaque année à la vérification et à l’expertise de gisements déclarés par les inventeurs. La première campagne d’expertises au Ponant date de 1994. Cet inventaire des côtes a depuis été renouvelé presque chaque année. Les différentes campagnes de Carte archéologique ont permis de développer et structurer les liens entre les intervenants locaux, le réseau associatif des plongeurs du littoral et les services de l’État. Dans le cadre de la Carte archéologique, l’Adramar qui collabore avec le DRASSM dans sa mission de gestion, d’étude et de valorisation des biens culturels maritimes, apporte un soutien humain et technique, notamment avec l’utilisation de son navire de recherche Hermine-Bretagne et la mise à disposition de sa logistique plongée.

 

1994 :

Côtes-d’Armor, épave de la Basse de Bonnetot, de Pen Azen, de Trélévern,

Finistère, épave de Kerlouan 2, de l’Aber Wrac’h 2, de Penhors, le gisement de Merk al Lestr

Charente Maritime, gisement de l’Ile d’Oléron

1995 :

Côtes-d’Armor, gisement de Roho, mouillage de Kerpont, épaves de Pen Azen, de Trélévern, de Lannion

Morbihan, épaves de l’Ariane et l’Andromaque

Charente Maritime, épave de La Tremblade

Finistère, La Sirenne

Loire Atlantique, Le Croisic, Pornic

1996 :

Ille-et-Vilaine, épaves du Rat de la Mercière, de la ZI24, de la Natière, de la Hamone

Côtes-d’Armor, Le Dahouet, épave des Sables-d’Or-les-Pins

Finistère, épave de Penhors, de la Calliope

Morbihan, épave des Esclassiers

1997 :

Pas de carte archéologique

1998 :

Ille-et-Vilaine, Courtis

Côtes d’Armor, Pen Azen 1 et 2, épaves de la Corderie 1, de la Moisie 1

Finistère, objets isolés

Seine-Maritime, objets isolés

Gironde, objets isolés

1999 :

Pas-de-Calais, objet isolé

Manche, gisement de Gattemare

Charente-Maritime, épave de la Chevarache

Ille-et-Vilaine, objet isolé

Finistère, objet isolé

2000 :

Côtes-d’Armor, épave de la Bellone

Charente-Maritime, épave de la Chevarache

Finistère, objets isolés, épave Aber-Wrac’h 2

2001 :

Morbihan, expertise entrée de Port Maria, épave de la Penthièvre

2002 :

Cotes-d’Armor, épave des Hôpitaux

Morbihan, Hoëdic, Belle Ile

2003 :

Côtes-d’Armor, Trélevern, Lannion, Bréhat

Gironde

2004 :

Côtes-d’Armor, épave de Trélevern, baie de Lannion, Ile-de-Bréhat, épave de Men Garo 1

Gironde, Verdon-sur-Mer épave Chambrette 1

2005 :

Pas de carte archéologique

2006 :

Pas de carte archéologique

2007 :

Pas de carte archéologique

2008 :

Loire-Atlantique, Le Croisic épaves du Soleil royal, du Héros, PLF 1, 2, 3 et 4, Pornichet 2, Plateau de la Blanche2009 :

Pas de carte archéologique

2010 :

Pas de carte archéologique

2011 :

Finistère, Côtes-d’Armor

 

 

Définition de la carte archéologique : Elle recense, au niveau cadastral, les sites et indices de sites connus, au moyen d’un système d’information géographique (SIG), couplé à la base de données PATRIARCHE : 20 979 entités archéologiques (EA) sont enregistrées au 02 novembre 2009.

Elle est alimentée par les données issues de la bibliographie, des fouilles ainsi que des prospections pédestres, aériennes et géophysiques.

Elle sert principalement à la gestion du patrimoine archéologique. Elle permet de proposer des mesures de classement ou d’inscription au titre des monuments historiques. Les informations détaillées ne sont communicables qu’aux propriétaires des terrains. En revanche, les cartes communales de zonage archéologique établies à partir des informations de la carte archéologique, sont des documents publics.

Extrait de la définition de la Carte archéologique en France

 

 

Bibliographie :

Publication annuelle : Bilan scientifique du DRASSM

La Hougue – 1990/1995

 

Le site des épaves de La Hougue a été découvert en 1985 par Christian Cardin au large du Cotentin (France). Sur le site reposent les vestiges partiellement conservés de cinq vaisseaux de ligne de l’amiral Tourville incendiés lors de la Bataille de La Hougue en 1692 (guerre de la Ligue d’Augsbourg opposant la flotte anglo-hollandaise à la flotte de Louis XIV) qualifiée par Pontchartrain, ministre de la Marine, de « suittes funestes d’un glorieux combat ».

Les 2 et 3 juin 1692, douze vaisseaux français, sur les 44 engagés, battent en retraite après douze heures de combat. Gravement avariés, ils ne peuvent rejoindre Brest et se font prendre au piège par la marée qui descend. Ils s’échouent entre Cherbourg et La Hougue et deviennent les proies idéales des brûlots anglais. Les plus gros bâtiments périssent incendiés au pied de l’île de Tatihou, les vaisseaux de moindre tonnage dans une rade voisine, derrière le fort de la Hougue. Loin d’être sanctionné, Tourville, admiré pour son courage, reçoit le bâton de maréchal, une distinction rare pour un marin. Les cinq épaves, A/B, C, D, E (conservée sur environ 50 m de long) F, sont groupées en arc de cercle au pied de l’îlet et reposent par quatre à neuf mètres de fond. En 1990, à l’occasion de la création du musée maritime de Tatihou, le conseil général de la Manche a demandé au DRASSM de réaliser une expertise du gisement. Cinq campagnes de fouilles ont été effectuées de 1991 à 1995 avec une étude archéologique articulée autour de trois axes de recherche :

–          Méthodes et techniques de construction navale

–          Approvisionnement des arsenaux en matériaux de construction et avitaillement

–          Analyse typologique et fonctionnelle du mobilier archéologique découvert

Avec plus de six cents objets et l’étude comparative des structures de cinq navires du Roi, le site de La Hougue a permis d’approfondir la connaissance des grands vaisseaux de ligne de la fin du XVIIe siècle dans leurs dimensions technique et fonctionnelle. Les artefacts mis au jour ont offert sur le gréement, la tonnellerie, l’armement, la vaisselle, les outils et les objets personnels, une base de données bien datée, fondée sur des vestiges d’un synchronisme parfait. La fouille des épaves de La Hougue a ainsi permis d’établir une collection archéologique de référence sur l’armement et la vie à bord des vaisseaux de la marine de Louis XIV. La collection est visible en exposition permanente au musée de Tatihou.

 

Bibliographie :

DETREE J.-F., 1999, Les vaisseaux de Tourville, Musée Maritime de l’île Tatihou, Saint-Vaast-La-Hougue, 32 p.

L’HOUR M., VEYRAT E., 1999,  » Les épaves de la batailles de la Hougue (Manche). L’art de bâtir les vaisseaux sous Louis XIV « , Archaenautica, n° 14, p. 243-251

L’HOUR M., VEYRAT E., 1992,  » Les épaves de la Hougue : premiers résultats des fouilles sous-marines « , Des vaisseaux et des hommes : vaisseaux de lignes et gens de mers dans l’Europe du XVIIe s., Musée maritime de l’île Tatihou, Saint-Vaast-la-Hougue, p. 59-66

 

Lien :

Site de l’Île de Tatihou