Le Havre, Port 2000 – 9/12/2002 au 09/04/2003

 

Le Havre – Port 2000 était un projet d’extension du port du Havre sur sa frange sud visant à accroître sa capacité d’accueil pour les porte-conteneurs intercontinentaux.  De vastes travaux d’endiguement et de dragages ont donc été programmés dans l’estuaire de la Seine sur une superficie de 426 ha pour l’aménagement d’un nouveau bassin, d’un quai protégé et d’un cercle d’évitement pour les navires de grande capacité. La première phase des travaux réalisés par les aménageurs en charge de Port 2000 comprenait une prospection magnétométrique systématique des fonds marins circonscrite par l’emprise des travaux. Cette opération visait à dresser la carte de tous les déchets sous-marins susceptibles d’entraver, voire de menacer le bon déroulement des dragages. Sur les 11 000 anomalies détectées et reconnues à cette occasion, 19 ont été classées d’intérêt archéologique par les scaphandriers employés au nettoyage des fonds, le plus souvent sur la base du seul critère de la présence de bois ou de canons. En décembre 2001, le Drassm a pour la première fois été avisé, par une lettre anonyme, de la découverte non déclarée de canons anciens lors des travaux d’aménagement conduits par le Port Autonome du Havre. Les rumeurs sur des découvertes et des destructions de sites archéologiques ont persisté tout au long du premier semestre 2002. Elles ont finalement trouvé leur point d’orgue en juin 2002 lorsque l’association écologiste Robin des bois a signalé au Drassm et aux médias la destruction d’un site archéologique sur le site de Port 2000.

L’équipe de l’Adramar s’est vue confier le soin de vérifier la validité des accusations portées. L’expertise conduite par Michel L’Hour a permis de découvrir plusieurs canons en fonte de fer, remontés sans déclaration depuis plusieurs moins et restés dans les locaux du Port Autonome et de l’entreprise de travaux sous-marins EMCC. Dans le même temps, un amoncellement de pièces d’architecture navale déchiquetées par les dragues puis déposées à l’écart sur un quai désaffecté a également été étudié. Compte tenu de la nature des vestiges découverts, une campagne de prospection préventive a été prescrite. Le Drassm prit des dispositions pour la mener à bien avec les moyens techniques et humains de l’Adramar. Les délais propres à la gestion administrative de ce type de dossier ont contraint l’équipe de spécialistes en charge du chantier  à opérer sur zone du 9 décembre 2002 au 9 avril 2003, soit pendant la période la moins propice de l’année.

L’opération de prospection archéologique préventive a permis d’enregistrer et d’étudier de nombreux vestiges voués à la destruction. Cinq des 19 anomalies désignées par les scaphandriers de l’entreprise EMCC se sont finalement révélées être de véritables sites archéologiques. Sur ces 5 épaves, trois correspondent à des sites d’épaves contemporaines. Une autre, datée de la seconde moitié du XIXe siècle, a été mis en relation avec le naufrage de la Fanny, goélette perdue à l’entrée de la Seine en 1848. Trois autres anomalies correspondaient à des canons dont une pièce d’artillerie appartenant à la famille des pierriers veuglaire dit « courtaud » et datée du XVIe siècle. L’anomalie LH10, qui avait dramatiquement souffert de l’activité des dragues avant l’arrivée des archéologues et qui semblait correspondre à une épave du XVIIe s., n’a pas pu être localisée lors de l’opération.

 

Bibliographie :

HOYAU, A., L’HOUR M., 2007, Le Havre Port 2000. Prospection archéologique préventive, Domagné, ADRAMAR, 151 p.

La Jonque chinoise du Brunei – 1997/1998

 

Au cours d’une étude de sols sous-marins, le groupe pétrolier français Total releva, en mai 1997, la présence d’une anomalie topographique d’une vingtaine de mètres de longueur sur une quinzaine de mètres de largeur. Localisé à 42 kilomètres au large des côtes du Sultanat de Brunei par 63 mètres de fond, ce tumulus de 1,50 à 2 mètres de hauteur a immédiatement fait l’objet d’une reconnaissance visuelle confiée à un ROV (remote operated vehicule) : des empilements de plats de porcelaine et quelques jarres reposaient sur le site. La présence de cet amoncellement sous-marin de mobilier céramique a aussitôt été signalée aux autorités du Sultanat de Brunei qui ont sollicité la coopération du gouvernement français pour en réaliser l’expertise. Une équipe de spécialistes français a donc été réunie afin de mener à bien l’étude archéologique des importants vestiges de cette jonque chinoise apparemment intouchée depuis son naufrage.

L’opération d’expertise programmée en octobre 1997 grâce au soutien financier de la société Total a révélé que les vestiges de l’épave formaient un quadrilatère de 21 à 22 mètres de long sur 17 à 18 mètres de large et qu’elle était localisée au centre d’une dépression sous-marine en forme d’entonnoir de 185 mètres de diamètre sur 7 à 10 mètres de profondeur. Au fond de cette cuvette, l’épave reposait sur un sol de vase limoneuse extrêmement volatile de telle sorte que même un léger courant suffisait à soulever ce sédiment. Le site était en permanence baigné dans une couche de 6 à 7 mètres d’eau sale, où la visibilité n’excédait jamais plus de 20 à 30 centimètres. L’activité des sous-marins, d’un robot ou d’un plongeur accentuait naturellement ce phénomène. Ainsi, les plongeurs ont généralement travaillé à tâtons sans jamais réellement voir l’épave. Si l’on ajoute à ces conditions déjà difficiles, des critères aussi aggravants que la profondeur importante du site et la présence sur l’épave d’une faune relativement dangereuse, chacun comprendra que l’épave de Brunei ait été considérée comme un site archéologique sous-marin très dangereux malgré sa prodigieuse richesse…

Financé par le groupe Total et dirigé par Michel L’Hour (DRASSM), un vaste programme de recherche a réuni, de mai à août 1998, à Bandar Seri Begawan, capitale du sultanat, près de 170 spécialistes de diverses nationalités, répartis selon la fonction de chacun, entre une base à terre installée dans un entrepôt dit workshop et une barge offshore ancrée à la verticale de l’épave. Pour réaliser l’étude sous-marine du site, il a fallu en outre mobiliser d’importants moyens techniques, notamment des remorqueurs d’assistance, deux sous-marins de 6 tonnes, Jules et Jim, équipés de caméras Broadcast, un robot équipé de caméras, deux caissons de recompression thérapeutique et un puissant engin de levage capable de soulever des charges de 50 tonnes. Afin de garantir un haut niveau de sécurité lors des interventions hyperbares, il a en outre été décidé de privilégier pour les plongées l’usage d’un mélange gazeux de type héliox, associant 80% d’hélium à 20 % d’oxygène. Les plongeurs étaient par ailleurs équipés de casques équipés d’un système de communication fond/surface, d’éclairage et d’une caméra vidéo renvoyant les images sur un moniteur de surface. Les fouilleurs intervenaient seul et tour à tour sur le site lors de plongées planifiées selon les besoins pour 20 ou 30 minutes de travail sur le fond. Pour enregistrer les vestiges et pallier le manque de visibilité, l’installation d’un carroyage matérialisé par des châssis métalliques carrés de 3 mètres de côté a permis d’optimiser le travail des plongeurs, d’assurer un meilleur contrôle des opérations et, parfois, d’obtenir très rapidement un enregistrement précis de la localisation exacte de chaque objet dans son environnement.

Avec la mise au jour d’un des chargements asiatiques les plus importants jusqu’ici découverts en mer de Chine méridionale, la Jonque de Brunei constitue un témoignage unique de l’activité commerciale du Sultanat à la fin du 15e ou au début du 16e siècle et offre au-delà des relations d’archives, une première et remarquable opportunité de saisir dans sa véritable diversité la nature réelle des frets maritimes acheminés vers Brunei et ses populations satellites. Le chargement a au final livré 13261 numéros d’inventaire que l’on peut regrouper en cinq grandes familles de mobilier : les matières premières, le verre manufacturé ou conditionné en lingot, les objets métalliques, les vestiges organiques et les céramiques. Avec près de 11 800 pièces, la part la plus conséquente des découvertes est constituée par les céramiques d’origine thaï, chinoise et vietnamienne. Par contre, il n’a été trouvé aucun vestige d’architecture navale sur le site et, pour se faire une idée du bateau lui-même, on ne peut donc aujourd’hui compter que sur la confrontation déductive de tous les indices collectés au cours de la fouille. L’étude a permis de restituer un navire de 22 à 25 mètres de long sur 8 à 11 mètres de large au maître-couple dont la cale était subdivisée en compartiments par des cloisons, principe classique pour une jonque. Elle a de même conduit à avancer l’hypothèse que plusieurs marchands se partageaient l’affrètement de la cargaison et cette dernière, bien que composée de mobiliers d’origines géographiques très diverses, avait été chargée en un seul et même lieu.

 

Bibliographie :

L’HOUR M. (dir.), 2001, La mémoire engloutie de Brunei. Une aventure archéologique sous-marine, Editions Textuel, Paris

 

Film :

Le trésor de la jonque engloutie, 1999, film réalisé par Marc Jampolsky, collection Trésors engloutis, GCT, 52 mn

Carte archéologique – 1994/…

 

Afin d’assurer une meilleure protection des biens culturels maritimes et de mieux définir les axes prioritaires de la recherche, le DRASSM contribue à la Carte archéologique nationale. Le long des côtes françaises, il procède chaque année à la vérification et à l’expertise de gisements déclarés par les inventeurs. La première campagne d’expertises au Ponant date de 1994. Cet inventaire des côtes a depuis été renouvelé presque chaque année. Les différentes campagnes de Carte archéologique ont permis de développer et structurer les liens entre les intervenants locaux, le réseau associatif des plongeurs du littoral et les services de l’État. Dans le cadre de la Carte archéologique, l’Adramar qui collabore avec le DRASSM dans sa mission de gestion, d’étude et de valorisation des biens culturels maritimes, apporte un soutien humain et technique, notamment avec l’utilisation de son navire de recherche Hermine-Bretagne et la mise à disposition de sa logistique plongée.

 

1994 :

Côtes-d’Armor, épave de la Basse de Bonnetot, de Pen Azen, de Trélévern,

Finistère, épave de Kerlouan 2, de l’Aber Wrac’h 2, de Penhors, le gisement de Merk al Lestr

Charente Maritime, gisement de l’Ile d’Oléron

1995 :

Côtes-d’Armor, gisement de Roho, mouillage de Kerpont, épaves de Pen Azen, de Trélévern, de Lannion

Morbihan, épaves de l’Ariane et l’Andromaque

Charente Maritime, épave de La Tremblade

Finistère, La Sirenne

Loire Atlantique, Le Croisic, Pornic

1996 :

Ille-et-Vilaine, épaves du Rat de la Mercière, de la ZI24, de la Natière, de la Hamone

Côtes-d’Armor, Le Dahouet, épave des Sables-d’Or-les-Pins

Finistère, épave de Penhors, de la Calliope

Morbihan, épave des Esclassiers

1997 :

Pas de carte archéologique

1998 :

Ille-et-Vilaine, Courtis

Côtes d’Armor, Pen Azen 1 et 2, épaves de la Corderie 1, de la Moisie 1

Finistère, objets isolés

Seine-Maritime, objets isolés

Gironde, objets isolés

1999 :

Pas-de-Calais, objet isolé

Manche, gisement de Gattemare

Charente-Maritime, épave de la Chevarache

Ille-et-Vilaine, objet isolé

Finistère, objet isolé

2000 :

Côtes-d’Armor, épave de la Bellone

Charente-Maritime, épave de la Chevarache

Finistère, objets isolés, épave Aber-Wrac’h 2

2001 :

Morbihan, expertise entrée de Port Maria, épave de la Penthièvre

2002 :

Cotes-d’Armor, épave des Hôpitaux

Morbihan, Hoëdic, Belle Ile

2003 :

Côtes-d’Armor, Trélevern, Lannion, Bréhat

Gironde

2004 :

Côtes-d’Armor, épave de Trélevern, baie de Lannion, Ile-de-Bréhat, épave de Men Garo 1

Gironde, Verdon-sur-Mer épave Chambrette 1

2005 :

Pas de carte archéologique

2006 :

Pas de carte archéologique

2007 :

Pas de carte archéologique

2008 :

Loire-Atlantique, Le Croisic épaves du Soleil royal, du Héros, PLF 1, 2, 3 et 4, Pornichet 2, Plateau de la Blanche2009 :

Pas de carte archéologique

2010 :

Pas de carte archéologique

2011 :

Finistère, Côtes-d’Armor

 

 

Définition de la carte archéologique : Elle recense, au niveau cadastral, les sites et indices de sites connus, au moyen d’un système d’information géographique (SIG), couplé à la base de données PATRIARCHE : 20 979 entités archéologiques (EA) sont enregistrées au 02 novembre 2009.

Elle est alimentée par les données issues de la bibliographie, des fouilles ainsi que des prospections pédestres, aériennes et géophysiques.

Elle sert principalement à la gestion du patrimoine archéologique. Elle permet de proposer des mesures de classement ou d’inscription au titre des monuments historiques. Les informations détaillées ne sont communicables qu’aux propriétaires des terrains. En revanche, les cartes communales de zonage archéologique établies à partir des informations de la carte archéologique, sont des documents publics.

Extrait de la définition de la Carte archéologique en France

 

 

Bibliographie :

Publication annuelle : Bilan scientifique du DRASSM

La Hougue – 1990/1995

 

Le site des épaves de La Hougue a été découvert en 1985 par Christian Cardin au large du Cotentin (France). Sur le site reposent les vestiges partiellement conservés de cinq vaisseaux de ligne de l’amiral Tourville incendiés lors de la Bataille de La Hougue en 1692 (guerre de la Ligue d’Augsbourg opposant la flotte anglo-hollandaise à la flotte de Louis XIV) qualifiée par Pontchartrain, ministre de la Marine, de « suittes funestes d’un glorieux combat ».

Les 2 et 3 juin 1692, douze vaisseaux français, sur les 44 engagés, battent en retraite après douze heures de combat. Gravement avariés, ils ne peuvent rejoindre Brest et se font prendre au piège par la marée qui descend. Ils s’échouent entre Cherbourg et La Hougue et deviennent les proies idéales des brûlots anglais. Les plus gros bâtiments périssent incendiés au pied de l’île de Tatihou, les vaisseaux de moindre tonnage dans une rade voisine, derrière le fort de la Hougue. Loin d’être sanctionné, Tourville, admiré pour son courage, reçoit le bâton de maréchal, une distinction rare pour un marin. Les cinq épaves, A/B, C, D, E (conservée sur environ 50 m de long) F, sont groupées en arc de cercle au pied de l’îlet et reposent par quatre à neuf mètres de fond. En 1990, à l’occasion de la création du musée maritime de Tatihou, le conseil général de la Manche a demandé au DRASSM de réaliser une expertise du gisement. Cinq campagnes de fouilles ont été effectuées de 1991 à 1995 avec une étude archéologique articulée autour de trois axes de recherche :

–          Méthodes et techniques de construction navale

–          Approvisionnement des arsenaux en matériaux de construction et avitaillement

–          Analyse typologique et fonctionnelle du mobilier archéologique découvert

Avec plus de six cents objets et l’étude comparative des structures de cinq navires du Roi, le site de La Hougue a permis d’approfondir la connaissance des grands vaisseaux de ligne de la fin du XVIIe siècle dans leurs dimensions technique et fonctionnelle. Les artefacts mis au jour ont offert sur le gréement, la tonnellerie, l’armement, la vaisselle, les outils et les objets personnels, une base de données bien datée, fondée sur des vestiges d’un synchronisme parfait. La fouille des épaves de La Hougue a ainsi permis d’établir une collection archéologique de référence sur l’armement et la vie à bord des vaisseaux de la marine de Louis XIV. La collection est visible en exposition permanente au musée de Tatihou.

 

Bibliographie :

DETREE J.-F., 1999, Les vaisseaux de Tourville, Musée Maritime de l’île Tatihou, Saint-Vaast-La-Hougue, 32 p.

L’HOUR M., VEYRAT E., 1999,  » Les épaves de la batailles de la Hougue (Manche). L’art de bâtir les vaisseaux sous Louis XIV « , Archaenautica, n° 14, p. 243-251

L’HOUR M., VEYRAT E., 1992,  » Les épaves de la Hougue : premiers résultats des fouilles sous-marines « , Des vaisseaux et des hommes : vaisseaux de lignes et gens de mers dans l’Europe du XVIIe s., Musée maritime de l’île Tatihou, Saint-Vaast-la-Hougue, p. 59-66

 

Lien :

Site de l’Île de Tatihou