logo ADRAMAR

L’Adramar a apporté son concours, du 9 au 27 septembre 2024, à la fouille de l’épave Trélévern 1 menée à bord du navire du Drassm André Malraux sous la direction d’Olivia Hulot (Drassm), et la codirection scientifique d’Élisabeth Veyrat (Adramar).

Découverte il y a 30 ans par un plongeur de Perros-Guirec, Michel Cloâtre, cette mystérieuse épave perdue par 15 à 20 m de fond au large de la commune de Trélévern (Côtes-d’Armor) n’a jamais cessé d’intéresser les archéologues du Drassm. Les premières expertises de l’épave menées par le Drassm ont permis de la classer parmi les sites sous-marins prioritaires du littoral français en raison de sa chronologie rare, de son grand intérêt historique et de sa fragilité face aux dégradations humaines et environnementales.

Hélène Botcazou (Adramar) et Yajaira Vargas (Ipso-Facto) dessinent à l’échelle 1/1 une membrure de l’épave Trélévern 1)Ó Élisabeth Veyrat (Adramar).

L’épave se distingue par son tumulus de pierres, de 10 à 12 m de côté, marqué sur ses franges de plusieurs pièces d’artillerie en fer forgé fragiles et partiellement brisées. Par le passé, la découverte de boulets de pierre sur le site lui a valu son surnom d’« épave aux boulets de pierre » par les plongeurs d’ormeaux locaux.

Après une première campagne de fouille en 2023, qui a permis de réaliser la modélisation 3D du site, identifier le chargement de pierres comme le lest du navire et débuter l’étude d’architecture navale de la coque, l’équipe de fouille a initié un programme de fouille pluriannuel dont 2024 formait la première année.

Grâce aux équipements logistiques du navire de 36 m André Malraux et à l’appui des plongeurs du service Garde-Côtes des Douanes de Nantes (brigades de Brest, Cherbourg et Saint-Malo), la fouille 2024 a bénéficié d’excellentes conditions d’intervention en dépit d’une météorologie très défavorable.

L’équipe était constituée de professionnels (Drassm, Adramar & Ipso-Facto), d’étudiants et de bénévoles du Grieme et de l’Adramar. Les chercheurs ont également bénéficié du concours d’Éric Rieth, expert de l’architecture navale médiévale et moderne (CNRS, Université de Paris 1, Musée national de la Marine), de Catherine Lavier (C2RMF, laboratoire de recherche du ministère de la Culture), spécialiste en caractérisation des bois et leur datation par dendrochronologie, de Philippe Migaud, archéozoologue fidèle des fouilles sous-marines du Drassm et du spécialiste en pétrographie Mikaël Guiavarc’h (CNRS, UMR 6566 CReAAH).

Fouille de l’épave Trélévern (DRASSM) : étude architecturale de l’épave en cours de dégagement © T. Seguin/DRASSM

Dans l’état actuel des recherches, l’épave préservée sous le tumulus de pierres est identifiée comme un fond de carène caractérisé par son flanc bâbord et son extrémité arrière. La campagne de fouille 2024 a conforté les informations recueillies en 2023, apporté des réponses aux nombreux questionnements scientifiques mais a levé de nouvelles interrogations, notamment en ce qui concerne la charpente du navire. Celle-ci associe une membrure massive exclusivement en chêne à une quille de faible échantillonnage en hêtre et à un bordé à franc-bord faisant appel à pas moins de quatre essences de bois : le chêne, l’orme, le hêtre et même le saule. Sur le plan des assemblages, la charpente montre de singulières techniques mises en œuvre qui font de l’épave un témoin exceptionnel de la construction navale dans l’Europe du Nord-Ouest au début de l’époque dite moderne, époque charnière où les informations en matière d’architecture navale sont particulièrement lacunaires au Ponant.

Les ossements d’animaux recueillis durant la fouille témoignent de grands bovidés et de porcs, probablement transportés vivants et en conserve pour la cuisine du bord. Aux côtés des boulets de granite de 10 à 16 cm de diamètre, les pièces d’artillerie mises au jour se révèlent très fragiles mais riches d’informations, canons à frettes de fer et possibles bombardes. Alors qu’une nouvelle campagne de fouille est d’ores et déjà programmée en août 2025, l’étude dendrochronologique des bois de la charpente et la culture matérielle associée à l’épave permettront à terme de cerner la chronologie du site et de l’inscrire dans l’histoire régionale et internationale et les réseaux d’échanges commerciaux de la période. Par sa chronologie ancrée au début de l’époque moderne et par la possibilité d’y mener de front une étude d’architecture navale rigoureuse et une analyse globale du site (artillerie embarquée, culture matérielle, éléments mobiliers et restes alimentaires), l’épave Trélévern 1 a tous les atouts pour constituer à terme un site de référence pour l’étude d’une période historique où les témoignages archéologiques sont rares et les questionnements nombreux.